Crazy Ex-Girlfriend

R. Bloom & A. Brosh-McKenna – 2015-2019

Parce que les oeuvres justes et inspirantes sur les troubles de la personnalité sont si rares, merci!

Missive écrite par Houda qui se définit (entre autres) comme femme, cisgenre, hétérosexuelle, touchée par un trouble de dissociation appelé déréalisation. Relue par au moins un·e concerné·e. Vous pouvez consulter notre Charte Éditoriale.

Attention, cette missive contient des éléments d’information qui pourraient divulgâcher (spoiler!) tout ou partie de l’œuvre.

Contexte 

Crazy Ex-Girlfriend est l’histoire de Rebecca, 26 ans, une brillante avocate New Yorkaise diplômée de Harvard qui croise par hasard son ex petit-ami d’adolescence Josh Chan, qu’elle a fréquenté pendant 2 mois en colonie de vacances et qui avait décidé de ne pas poursuivre leur relation car il la trouvait “trop bizarre”.

Lorsque ce dernier lui annonce qu’il quitte New York pour retourner dans sa ville natale, West Covina en Californie, elle décide de tout plaquer pour le suivre.

La série retrace donc, dans un premier temps, la démarche de Rebecca pour reconquérir le cœur de son ex. Les épisodes de la série sont, dans un esprit de comédie musicale, rythmés par différents clips musicaux pour décrire avec humour et excentricité des situations marquantes.

Comme le titre l’indique, l’entourage de Rebecca la considère régulièrement comme étant d’abord un peu excentrique, puis ensuite carrément folle, ce qui l’aménera à un certain point de la série à être rejetée par ses ami·es. Elle entrera à ce moment là dans une phase dépressive qui la conduira même à une tentative de suicide, une sonnette d’alarme qui permettra à son entourage de se rendre compte de la gravité de sa situation psychologique. Mais aussi à cette dernière de pouvoir traiter sérieusement sa condition enfin diagnostiquée : Rebecca souffre de trouble de personnalité limite, ou “borderline”.
Tout au long de la série, Rebecca aura plusieurs quêtes de long cours : trouver l’amour, trouver sa voie professionnelle et trouver la meilleure solution pour vivre avec sa condition psychologique.

Qu’ai-je vu? 

Lorsque Netflix me recommandait la série “Crazy Ex-Girlfriend”, le titre de la série et l’esthétique du visuel m’ont porté à croire qu’il s’agissait d’une “énième” comédie romantique, avec un personnage principal féminin frivol et une histoire d’amour à l’eau de rose qui se finirait forcément bien.

Mais une amie m’a fortement recommandé d’accorder une chance à cette série, et ça a été une agréable surprise pour moi. L’esthétique de comédie musicale et le caractère humoristique de la série permettent de traiter avec beaucoup de finesse un sujet qui me touche particulièrement et qui est si peu traité dans les œuvres de l’imaginaire : les troubles psychologiques.

En effet, on suit l’évolution de l’impact de ce trouble dans la vie de Rebecca : un déni de sa situation (Rebecca évitait les consultations avec sa psychologue), une incompréhension de sa différence avec les autres, une crise aiguë apparaissant face à l’adversité (l’abandon par les autres), une prise de conscience de sa condition, son diagnostic en tant que trouble de personnalité limite, son traitement puis enfin, l’identification de leviers d’épanouissement en tenant compte de sa condition. 

Je vois aussi dans cette série l’importance du diagnostic pour les personnes touchées par des troubles psychologiques. Après des années d’incompréhension et un sentiment d’exclusion, Rebecca arrive enfin à comprendre ce qui lui arrive. Traitée comme une réelle révélation, cette étape annonce un tournant dans sa vie. 

Je vois aussi tout au long de la série la construction de Rebecca, en passant d’une femme dépendante affectivement et mal dans sa peau, qui se transforme à la fin de la série en une femme autonome, indépendante qui a trouvé sa voie.

Pourquoi je remercie?

Je remercie les créatrices de cette série car elles ont su traiter avec justesse et inspiration l’évolution d’une jeune femme touchée par un trouble peu connu ou souvent galvaudé : le trouble de la personnalité limite. On voit alors l’impact émotionnel et affectif sur Rebecca, mais également les conséquences graves que ça a pu avoir sur sa vie, notamment lors d’une tentative de suicide. Je n’avais jamais vu auparavant d’oeuvre populaire traiter ce sujet avec humour et une vulgarisation qui permet de le rendre facilement accessible et compréhensible.

Par ailleurs, ce que j’ai pu découvrir dans cette série, c’est la capacité des créatrices à illustrer un symptôme qui est difficilement appréhendable par celleux qui n’en sont pas touché·es : les troubles de dissociations. En effet, on se rend compte à la fin de la série que les clips musicaux étaient en réalité les phases de dissociation de Rebecca. Ce sujet me touche particulièrement en étant moi-même affectée, et ayant souvent des difficultés à l’expliquer à mon entourage.

Enfin, je trouve que les choix réalisés par Rebecca sont également particulièrement inspirants: malgré son diplôme de Harvard et sa capacité à “faire carrière”, Rebecca arrive à faire face à la pression sociale en se rendant compte qu’elle ne trouvait pas son bonheur ni dans son métier ni dans le grand salaire que ça lui apporte, et qu’elle préfère se lancer dans la création d’une comédie musicale, et de s’en donner les moyens en prenant des cours de musique et de chant. Le deuxième choix que je trouve fabuleux est celui qui concerne sa vie amoureuse : lors du dernier épisode, on attend avec impatience de savoir lequel de ses trois prétendants elle va enfin pouvoir choisir. Mais elle décide de rester seule, car elle a d’abord besoin de se retrouver et de s’épanouir personnellement avant d’envisager d’être en couple. Un choix qui dénote avec grand nombre d’œuvres actuelles qui sont des odes à l’amour et la quête de l’âme sœur. Ainsi, l’évolution de Rebecca nous amène à une femme indépendante, forte, qui sait ce qu’elle veut et se donne les moyens d’atteindre ses objectifs, sans subir la pression de la société ou de son entourage; et en accepetant ses troubles psychologiques, en en faisant même une force pour alimenter son imagination et s’épanouir. Pour une personne comme moi qui a également été diagnostiquée d’un trouble psychologique, bien que différent de celui de Rebecca, c’est une inspiration et un souffle d’espoir pour mon futur et les choix de vie que je ferai pour m’épanouir. 

Enfin, je remercie les créatrices de démontrer dans cette série l’impact sur les personnes atteintes de troubles, des préjugés et de la forte méconnaissance des pathologies psychologiques. Le fait d’avoir catégorisé Rebecca simplement comme étant “folle” sans compréhension de sa situation a par ailleurs entrainé une vague de rejet de son entourage, avec pour conséquence sa tentative de suicide. Une tendance à la catégorisation qui peut également perturber les personnes atteintes de troubles psychologiques, une position que l’on retrouve chez la protagoniste dont la vision évolue au gré des génériques des saisons : saison 1, le déni total : “-elle est folle -non je ne le suis pas!”; saison 2, une forme de justification :  “je suis juste une femme amoureuse qui ne répond pas de ses actions”; saison 3, Rebecca est perdue : “pour clarifier oui/non je (ne) suis (pas) folle” et saison 4, où elle finit par simplement s’accepter elle-même dans son individualité : “Voici Rebecca, c’est trop compliqué d’en faire un résumé”.

J’espère que ceux qui ont pu également regarder cette série pourront prendre conscience de cela et peut-être mieux appréhender leurs relations avec les personnes de leurs entourages qui leur paraissent avoir un comportement similaire à celui de Rebecca, ou simplement décalé par rapport à la normale. J’espère également qu’elle sera une inspiration pour les Rebeccas de ce monde pour trouver la voie de l’épanouissement personnel.

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