Yourte

G. Chalmont & M.-P. Nalbandian ; Cie Mille Printemps – 2017

Parce que Yourte est un très bon anti-sceptiques, merci!

Missive écrite par Axel qui se définit (entre autres) comme un homme blanc, cisgenre, valide, agnostique, banlieusard, gay. Relue par au moins un·e concerné·e. Pour comprendre notre ligne éditoriale et nos engagements, vous pouvez consulter notre Manifeste et notre Charte Éditoriale.

Contexte 

Yourte est une pièce de théâtre créée en 2017 par la compagnie Les Mille Printemps, écrite par Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre Nalbandian et mise en scène par Gabrielle Chalmont. Présentée plusieurs fois, entre autres, au Festival OFF d’Avignon, cette pièce connaît un succès retentissant, aussi bien auprès du public que de la presse.

Qu’ai-je vu? 

Un couple abandonne sa vie urbaine superficielle aux valeurs délavées pour rejoindre un projet communautaire social, solidaire et militant dans la campagne. Un proche, “super-Max-cadre-dynamique-consultant” au bord du burn-out et qui vient de se faire larguer, les rejoint aussi, un peu forcé. Mais pour elleux trois, la transition vers une vie au rythme des saisons et des cycles lunaires ne se fait pas en un claquement d’huiles essentielles. Réapprendre à penser, à prendre soin, à manger, à respirer, à s’appartenir, à vivre ensemble : voici le long et ambitieux programme qui attend les trois nouvelles·aux arrivant·e·s. 

D’ailleurs, les ancien•ne•s de la communauté ont aussi leur part. En proie à leurs propres contradictions, désirs et fantasmes, ielles n’ont pas tout à fait fini de s’aligner avec leurs valeurs, ni avec les autres. On sent que ce mode de vie reste encore expérimental, et le sera peut-être toujours. Les questions philosophiques, économiques et politiques se succèdent: travailler plus pour gagner plus? Jusqu’où peut aller le militantisme? Qu’est-ce que le bien-être? Le sens des choses peut-il être relatif? Comment vivre en collectivité?… En nous faisant assister à l’Assemblée Générale de la communauté, la mise en scène fait tout pour que le public se sente activement inclus dans ces réflexions. 

Plus on explore le cœur de la Yourte, plus on le découvre complexe et simple à la fois, fragile et puissant, subtil et brusque, adorable et insupportable, doux et violent. Bref: infiniment humain. 

Pourquoi je remercie?

Parce que la pièce traite des altermondialismes, on y décortique l’absurdité totale de nos vies de consommation effrainée, toutes emballées dans du plastique. Tout ça pour un système de profits qui ne réparti pas équitablement les richesses et donc qui crée toujours plus d’ultra-riches et de pauvres. Ne serait-ce que pour cette fiction-démonstration, Yourte a retenu mon attention. Mais les autrices sont allées plus loin. De nombreux signes montrent qu’elles ont aussi voulu nourrir nos imaginaires de représentations et de réflexions humanistes*, et ceci sans pour autant tomber dans le mièvre. De petites réflexions habiles au gré des dialogues rappellent l’importance des féminismes, des luttes contre l’anti-homosexualité et tout autre exclusion basée sur l’identité, du respect de l’environnement, des formes du vivant etc. 

Par ailleurs, avec cette pièce terriblement drôle dans laquelle tous les ressorts comiques sont exploités (comique de répétition, de situation, de quiproquo, de gestuelle, …), je trouve qu’on a un très bon exemple du fait qu’on peut “rire de” et “se moquer” sans pour autant violenter. C’est un exercice difficile, et ici l’assemblage du texte, de la mise en scène et du jeu des comédien·nes y parvient magistralement.

Ainsi Yourte incarne parfaitement ce que « imaginaire inclusif et pluriversel » signifie pour moi: des personnages complexes qui peuvent être défaillants, des propos qui peuvent être polémiques. Mais le tout intégré dans un récit qui invite à se poser des questions et à prendre le recul nécessaire. Et pour cela un grand merci !

La compagnie des Mille Printemps n’en est pas à son coup d’essai. Ses deux autres spectacles sont tout aussi généreux et profonds: Mon Olympe (2015) sur les féminismes, et Biques (2021), sur l’âgisme*. J’espère sincèrement que ces textes seront aussi bientôt disponibles en librairie. Ce sont des oeuvres précieuses qui nous donnent espoir face aux sceptiques des temps modernes. 

Envie de découvrir par vous-même ? Vous trouverez sur cette page les futures dates de ce spectacle. Et des autres !

* : voir notre Lexique

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Axel
Axel se définit (entre autres) comme un homme blanc, cisgenre, valide, agnostique, banlieusard, gay. Il est fondateur et co-administrateur de La Vigie des Imaginaires. Il a étudié la littérature et le théâtre. Il est fan de jeux de société. Il ne croit pas en Dieu, mais il espère vraiment qu'elle croit en lui. Enfin, il pense que les pessimistes finissent toujours par avoir raison, mais qu'en attendant, mieux vaut rester optimiste.
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