Manifeste

Changer les imaginaires, pour mieux changer la réalité.

« Des vigies, mes sœurs Anne, qui ont décidé de ne pas trembler devant Barbe Bleue »

Lydie Salvayre, « Anne mes sœurs Anne », in Sororité (Chloé Delaume)

Que faisons-nous ?

La Vigie des Imaginaires est un collectif visant à mettre en avant, soutenir et remercier les œuvres qui nous enrichissent de représentations* et modèles inclusifs, respectueux, dignes, exigeants, ouverts et généreux.

Dans la même démarche, nous sommes vigilant·e·s lorsque des œuvres de fiction contribuent au renforcement et à l’expansion, dans nos imaginaires, d’idéologies dominantes, oppressantes, violentes et dégradantes. Ainsi, nous émettons des alertes lorsque des créations artistiques polluent nos imaginaires de représentations patriarcales, misogynes, sexistes, pédocriminelles, incestueuses, racistes, pro-coloniales, antihomosexuel·le·s*, anti-transgenres*, agistes, validistes, anti-athées, anti-agnostiques, antisémites, anti-islams*,  contenant des injonctions normatives diverses sur nos corps et nos esprits, ultra-capitalistes, pauvriste*, classistes*, écocidiques, encourageant la maltraitance animale etc.

Pour autant, il ne s’agit jamais de définir si une oeuvre est réussie ou ratée, belle ou laide, intéressante ou ennuyante, morale ou immorale. Ni si elle nous a plu ou non. Ce que nous nous demandons, c’est en quoi les représentations qu’elle contient libèrent ou asservissent. 

Pourquoi ?

Les œuvres de fiction, par les récits qu’elles produisent, nourrissent nos imaginaires et y créent des représentations structurantes qui transparaissent dans nos actes, nos réflexions et nos décisions. Quand ces représentations valident et encouragent, de manière consciente ou non, la domination et l’oppression, cela pose un problème éthique et politique. C’est ce contre quoi nous souhaitons lutter, car il faut changer les imaginaires pour mieux changer la réalité. Nous avons besoin d’accéder à des “imaginaires pluriversels*”.

Qu’appelons-nous les “imaginaires pluriversels*” ?

Ce sont l’ensemble des œuvres et des fictions qui ouvrent à d’autres possibles sociétaux respectueux des formes plurielles du vivant. Parce que nous voulons que ces imaginaires viennent contrebalancer les imaginaires dominants, nous les appelons “pluriversels”. La Vigie des Imaginaires a pour vocation de leur donner de la visibilité, de les promouvoir, de les soutenir et d’encourager leur multiplication. Nous revendiquons plus de place, de financements, d’attention et de considération pour elles. 

Où porte notre regard ?

Depuis son poste de guet, La Vigie des Imaginaires observe et interroge les œuvres de fictions et les créations de l’imaginaire : littératures, bande-dessinées, cinémas, séries, spectacles vivants, chansons, arts plastiques, jeux vidéos, jeux de société, publicités.

Nous nous appliquons à prendre la hauteur et la distance nécessaire à une bonne observation. Cette hauteur, nous l’obtenons avec notre regard critique, formé par nos propres expériences, mais aussi grâce aux essais, discours, témoignages et outils que de nombreux·se·s militant·e·s avant nous ont eu le courage, l’énergie et le temps de créer. Nous continuons à grandir grâce à elleux. Merci! 

Que fait-on des œuvres qui n’appartiennent pas aux “imaginaires pluriversels*” ? 

La Vigie des Imaginaires alerte et questionne. Mais en aucun cas nous n’appelons à effacer, censurer ou détruire des œuvres. Nous ne nous inscrivons pas dans la “culture de l’effacement*”. Nous pensons qu’il est important de toutes les garder, mais qu’il faut pouvoir les interroger, pointer leurs limites et avertir de leurs possibles effets. 

Si le contexte (historique, culturel, etc.) d’une oeuvre permet parfois d’expliquer l’origine des représentations qu’elle contient, ce n’est pas ici notre sujet: le sédiment laissé par ces oeuvres se dépose malgré tout dans les imaginaires, en amont de l’éventuelle démarche critique que certain·e·s auront.

Etant mû·e·s par une volonté de créer un débat, nous donnons toujours un droit de réponse aux créateur·ice·s. Une même œuvre peut simultanément faire l’objet d’une alerte et d’un remerciement.

L’art peut-il encore transgresser et provoquer ?

Bien entendu. Nous chérissons le droit à la transgression, la satire, la provocation et à l’outrage. Ce que nous questionnons ce sont les rapports de domination qui se jouent à travers ces transgressions, a fortiori quand il s’agit toujours des mêmes personnes visé·e·s (les femmes, les non-blancs, les non-hétéros, les non-valides etc.). 

Qui sommes-nous ?

La Vigie des Imaginaires veut être un collectif mixte, ouvert, inclusif, audacieux, militant. 

Si notre collectif vise à intégrer une pluralité la plus extensive possible, nous savons qu’il y aura toujours, malheureusement, des absent·e·s. En attendant qu’ielles nous rejoignent, nous tentons de les représenter au mieux. Lorsque nous sommes incertain·e·s de pouvoir le faire, nous préférons nous taire.

Nous sommes également conscient·e·s d’être nous-mêmes en proie à nos propres biais de dominant·e·s, et nous travaillons sur nous-mêmes pour les déconstruire. Cela se traduit par une quête constante et collective de progrès, et par notre volonté de nous remettre en question.

Comment et d’où parlons-nous ?

Parce que nous pensons que les personnes victimes des représentations oppressantes et dégradantes devraient avoir l’espace nécessaire pour en parler et être les premières à être écoutées, nous publions en priorité leurs points de vue et nous faisons confiance à leurs ressentis. Pour autant, nous nous autorisons aussi, en tant qu’allié·e·s*, à (co-)publier sur des sujets qui nous ont touché·e·s, parce que nous avons la conviction que ce qui se joue dans ces mécanismes de domination est l’affaire d’absolument tout le monde. 

De plus, nous nous exprimons tous·tes avec des mots, une langue et une grammaire qui sont eux-mêmes des outils de domination. Et pourtant, nous tenons à parler ! Nous essayons donc d’être le plus respectueux·se·s possible, tout en préférant être vigilant·e·s et agir, plutôt qu’être parfait·e·s et inactif·ve·s. 

Enfin, nous parlons depuis qui nous sommes chacun·e·s avec nos identités, nos vécus, nos forces et nos failles. Notre collectif ne s’exprime pas d’une voix unique. Notre diversité et notre polyphonie sont nos ressources et ce manifeste est notre boussole. 

« Alors nous montons tout en haut de la tour, nous resserrons nos rangs, nous observons les alentours et nous affûtons nos pointes »

Ibid.

Le Collectif de La Vigie des Imaginaires, Sept 2021.

* : concernant le vocabulaire et les expressions que nous utilisons, référez-vous à notre Lexique et à notre Charte Editoriale.

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