Parce qu’il est grand temps de réhabiliter Pandore, merci!

Missive écrite par Axel qui se définit (entre autres) comme un homme blanc, cisgenre, valide, agnostique, banlieusard, gay. Relue par au moins un·e concerné·e. Pour comprendre notre ligne éditoriale et nos engagements, vous pouvez consulter notre Manifeste et notre Charte Éditoriale.

Contexte 

Jouée pour la première fois au festival OFF d’Avignon en 2021, Muses est une pièce librement inspirée de la mythologie gréco-romaine qui met en scène Rita, une jeune femme romaine qui rêve de devenir une des Muses. Elle fait tout pour les rencontrer et postuler. Mais une fois avec elles, l’envers du décors est terrible. Elle va découvrir leurs blessures, leurs doutes, leurs désillusions.

Qu’ai-je vu? 

Sur scène, ce sont six femmes, emprisonnées dans leurs rôles attribués par des hommes pour qu’elles les servent, qui vont petit à petit s’émanciper et prendre leur destin en main. Fini les injonctions et les manipulations permanentes. D’abord à travers le conflit, mais finalement grâce une entraide sororale, elles vont réinterroger leur place dans le monde et réaffirmer leur puissance de femme invaincue. Mention spéciale pour Pandore dont le récit très touchant prend le temps de déconstruire l’horreur de ce que véhicule le mythe qui porte son nom: une femme-objet, manipulée par Jupiter et ses sbires ; une femme qu’on manipule et utilise pour de bas desseins.

Pourtant, comme chacun·e sait, elle est tenue comme seule responsable jusqu’à donner son nom en pâture pour les millénaires à venir. Là, Muses ouvre une voie libératrice: et si pour une fois on l’écoutait nous raconter comment elle a vécu, elle, ce drame ? Et si Pandore était doublement victime ? Une première fois de ce qu’on lui a fait vivre, et une seconde fois d’être devenue l’allégorie rappelant qu’une femme n’est pas digne de confiance. Et si on cessait de dire “boîte de Pandore” et qu’on nommait enfin le coupable: “boîte de Jupiter” !

Pourquoi je remercie?

Bien entendu le texte prend ses libertés avec les récits fondateurs, notamment ceux d’Ovide et d’Hésiode. Mais c’est justement tout l’intérêt d’invoquer, aujourd’hui, les mythes fondateurs sur les planches d’Avignon : on nous pousse à nous interroger sur les représentations des femmes que nous portons tous·tes en nous de génération en génération.

D’ailleurs, qui pense que les mythes n’évoluent jamais se trompe. Au contraire, et c’est une des raisons de leurs nombreuses variations au cours de l’Histoire. Il est tant d’actualiser ces récits avec des versions d’une rayonnante modernité. Un grand merci à Muses de s’y atteler, parce qu’il est en effet temps de refermer la boîte des dominations.

Vous pouvez écouter les comédiennes parler de leur vision de la femme dans leurs capsules vidéos. Vous pouvez aussi en savoir plus sur la compagnie Lucienne & Lucienne sur leur page Facebook.

Le Festival OFF d’Avignon 2021 proposait d’autres représentations un peu moins déconstruites de nos vieux mythes.