Hunger Games
Suzanne Collins ; 2008-2010
Parce que Katniss Everdeen est une militante ardente, merci!
Missive écrite par Eddy qui se définit (entre autres) comme un homme. Relue par au moins un·e concerné·e. Vous pouvez consulter notre Charte Éditoriale.
Contexte
Hunger Games : trois livres (quatre films dans l’adaptation – car Hollywood aime le profit, quitte à alourdir le propos en étirant l’intrigue). La trilogie littéraire de Suzanne Collins met en scène Katniss Everdeen, une adolescente à l’arc carnassier. Dans cet univers post-apocalyptique charbonneux, les jeunes gens sont tirés au sort pour s’entretuer en direct devant les caméras. Katniss la rebelle nattée sera l’étincelle qui embrasera cette dictature. Une centaine de millions d’exemplaires vendus (des milliards de dollars au box office) : Hunger Games est une saga culte. Un Harry Potter sans gamineries, un Twilight sans minauderies.
Qu’ai-je vu?
- Une jeune femme forte bien que détruite par la vie (père pulvérisé, misère infâme).
- Un respect profond de l’auteure pour sa protagoniste.
- Une noirceur bien peu commune pour une fiction adolescente.
- Un soupçon de philosophie (une guerre peut-elle être juste ?)
- Une filiation mythologique : Katniss a pour ancêtres Artémis et Thésée.
- Des flashs d’Antiquité : Spartacus, partout, en filigrane.
- Une histoire dystopique des États-Unis qui n’a pas peur de plonger dans son irrépressible NOIRceur.
- Des causes climatiques au déséquilibre politique.
- Les immenses blessures des canons de beauté : « sois belle et bats-toi ».
- Une démocratie déchiquetée, comme dans 1984 de George Orwell.
- Une germination révolutionnaire, comme chez les mineurs d’Émile Zola.
- Un pessimisme de funérailles, comme dans le Wessex semi-imaginaire de Thomas Hardy.
- L’amour, enfin, au second plan.
Pourquoi je remercie?
Cosette, Jeanne d’Arc, Malala Yousafzai, Greta Thunberg : toutes en Katniss réunies. Indomptable et exemplaire, je trouve qu’elle réveille les consciences au lieu de se laisser compter fleurette. Cette réécriture de la Guerre du Vietnam colorée de télé-réalité est pour moi un coup de semonce. Un avertissement urgentissime comme une flèche dans notre cervelet. Ajoutons que Katniss, l’héroïne pauvre de ce Battle Royale où les dirigeants ont tout, n’est pas blanche: les livres mentionnent sa “peau olive”. Elle enterre Rue, la toute jeune afro-américaine du District 11, en la parant de fleurs : Rue’s life matters*. Protégeons, comme Katniss, les petites filles blanches et noires. Mieux : tous les misérables. Hunger Games ? Anger Games*. Choisissons notre combat et faisons rougeoyer notre faim de justice. Changeons tout par le feu.
Note des administrateur·ices: si vous voulez en savoir plus sur le personnage de Katniss vue et analysée par Eddy, vous pouvez écouter son interview radiophonique dans l’émission Le Mug de RTBF, ou, plus long et plus approfondi, dans l’émission Microciné.
Vous pouvez aussi lire son essai Katniss Everdeen : Embraser son destin, disponible dans la collection Fabrique des Héros des Éditions Nouvelles.
*: Traductions de l’anglais:
Rue’s life matters: “La vie de Rue compte” (référence au mouvement américain antiraciste Black Lives Matter)
Hunger Games : « Les jeux de la faim »
Anger Games: « Les jeux de la colère »